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Interview avec Michael Couzigou, acteur majeur de l’art immersif en France

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Pendant la rédaction de ma thèse professionnelle, j’ai eu l’opportunité d’interviewer des personnalités influentes du domaine de l’art, plus particulièrement de l’art expérimental et immersif, qui représente actuellement la tendance dominante et un aperçu prometteur de l’avenir artistique.

Dans ce cadre, j’ai eu le privilège de m’entretenir avec Michael Couzigou, une figure de premier plan du secteur, co-créateur de l’Atelier des Lumières et fondateur d’une innovation du domaine : l’”Immersive Art Box”.

L’art immersif revêt une importance particulière dans le paysage artistique contemporain, car il parvient à fusionner deux mondes apparemment éloignés : l’art traditionnel, souvent perçu comme un domaine fermé, et le digital, qui représente l’avenir de tous les domaines créatifs. C’est dans ce contexte fascinant que l’interview avec Michael Couzigou revêt une signification particulière, car il incarne cette fusion créative entre l’art traditionnel et le digital.

Pouvez-vous présenter votre parcours ?

Je suis Michael Couzigou, et j’ai une vingtaine d’années d’expérience dans la gestion de monuments et de musées. Mon parcours m’a conduit à travailler avec des institutions notables telles que Culturespaces, où j’ai eu l’occasion de superviser des sites tels que le Théâtre Antique d’Orange, le Château de Provence, les Arènes de Nîmes, et plus récemment, l’Atelier des Lumières que j’ai co-créé.

Après un séjour à Montréal en tant que producteur d’expériences immersives chez Moment Factory, je suis retourné en France l’année dernière avec l’objectif de lancer ma propre entreprise et de concrétiser mes projets dans le domaine des expériences immersives et des nouveaux formats culturels. Ma solide expérience dans la gestion de monuments et le tourisme culturel me fait considérer que le tourisme et la culture sont étroitement liés, surtout en France.

Pour quelles raisons avez-vous créé votre société, New Art Experiences ?

Les raisons qui m’ont poussé à créer New Art Experiences sont multiples. Tout d’abord, j’ai ressenti le besoin d’indépendance, de ne plus dépendre des grandes entreprises avec lesquelles j’avais travaillé par le passé. Ensuite, j’ai éprouvé le désir d’entreprendre dans le domaine culturel et de donner vie à mes propres projets, tout en aidant d’autres clients potentiels à développer les leurs.

J’ai créé New Art Experiences dans le but d’accompagner des clients dans la création de nouveaux formats culturels. À mes yeux, ces nouveaux formats sont hybrides, puisqu’ils puisent dans des domaines aussi variés que le théâtre, les arts plastiques, le spectacle vivant, voire même les arts numériques. Pour moi, la culture ne devrait pas être compartimentée.

D’après le slogan de New Art Experiences, vous créez les « nouveaux formats culturels pour inventer les expériences de demain » : quels sont les nouveaux formats culturels et quelles sont les expériences de demain ?

Comme je viens de l’évoquer, dans ce secteur, je crois beaucoup aux pratiques hybrides, où l’on peut fusionner différentes formes d’art grâce à divers outils, différentes technologies et médiums. La technologie moderne nous offre aujourd’hui la possibilité de créer des expériences artistiques inédites, notamment dans les arts visuels et numériques, ainsi que dans le spectacle vivant. Il est essentiel, à mon sens, de briser les barrières entre les genres et les pratiques artistiques.

Un défi majeur en France, à mon avis, est la compartimentation de la culture, où la danse reste dans son coin, les arts numériques dans le leur, et ainsi de suite. C’est pourquoi je considère que la fusion culturelle, l’hybridation des arts, est cruciale pour l’avenir de la création artistique.

Observez-vous un changement dans les pratiques et les tendances culturelles en raison de l’arrivée de nouvelles générations sur le marché ?

Oui, effectivement. J’ai pu constater un changement significatif des pratiques et des tendances culturelles lors de mon expérience à l’Atelier des Lumières. Nous avons accueilli un public beaucoup plus jeune, principalement issu de la génération Z, car la génération Alpha est encore trop jeune pour être pleinement représentée. Ces visiteurs venaient principalement pour vivre une expérience immersive plutôt que pour découvrir simplement un lieu culturel.

Nous envisageons de jongler entre ces deux approches : offrir à la fois une expérience culturelle et la découverte d’un lieu. L’aspect expérientiel prend de plus en plus d’ampleur dans le secteur culturel, notamment avec la tendance croissante des musées à intégrer des éléments de « gamification ». Cela se manifeste par la création d’escape games, de visites nocturnes et même d’animations comme des DJ sets dans certains espaces culturels. Cependant, il est crucial de veiller à ce que ces évolutions conserve sa mission fondamentale, qui est avant tout la préservation et la découverte du patrimoine culturel.

Comment abordez-vous l’arrivée de la génération Alpha (née entre 2010 et 2025) sur le marché ?

L’arrivée de la génération Alpha suscite certaines inquiétudes dans le secteur culturel. On peut craindre un manque de profondeur dans leurs pratiques culturelles, car ils sont plus enclins à des expériences superficielles, souvent liées aux réseaux sociaux et à l’aspect « instagrammable » des choses. Il existe un risque que la consommation culturelle soit davantage motivée par la quête de reconnaissance sociale que par le désir d’enrichissement personnel au travers d’une expérience culturelle riche.

Un autre danger est l’uniformisation de la culture, où le spectaculaire peut prendre le pas sur la véritable mission d’un musée. La difficulté réside dans le risque d’une uniformisation culturelle, où les expositions et les musées deviennent simplement des tendances éphémères. C’est pourquoi la fidélisation des visiteurs est essentielle pour maintenir un public engagé.

Les expériences culturelles sont cruciales dans les musées, car elles permettent de créer des liens entre les visiteurs et le personnel des musées.

Pouvez-vous me parler précisément des avantages de l’immersive art box ?

L’Immersive Art Box représente avant tout une démarche visant à rendre les expériences immersives numériques plus accessibles à un public qui n’a pas nécessairement l’occasion de se rendre à Paris pour découvrir de nouvelles expériences. L’idée fondamentale est de créer une itinérance avec cette salle immersive, en se déplaçant dans des villes et des régions où ce type d’expérience est moins courant. À la manière d’un cirque, nous voyageons de ville en ville pour proposer au grand public des contenus culturels et de divertissement immersifs sur divers thèmes.

L’objectif principal est de rendre ces expériences accessibles à un public qui, en général, n’a pas l’habitude de fréquenter des événements culturels, en particulier des expériences immersives. C’est vraiment le cœur de notre mission avec l’Immersive Art Box.

Allez-vous proposer l’offre de l’Immersive Art Box au Pass Culture ?

Oui bien sur ! Notre intention est de cibler principalement un public plus jeune, notamment les lycéens et les étudiants, et donc la box sera accessible via le Pass Culture pour cette catégorie. Cependant, nous ne nous limiterons pas à eux, car nous souhaitons également attirer les seniors et les familles le week-end. Il s’agit d’un projet conçu pour être accessible au plus grand nombre.

Quelles sont les tendances culturelles des 5 prochaines années selon vous ?

Nous prévoyons une montée en puissance des expériences immersives et hybrides, qui combineront le monde numérique et le monde physique. Ceci sera notamment en lien avec les futurs métavers, ce qui représente une véritable révolution dans le secteur culturel, déjà en cours dans le monde. Parallèlement, le spectacle vivant continuera de prospérer, car les générations X et Y recherchent toujours l’authenticité et l’interaction humaine, contrairement aux générations plus jeunes.

Pour vous, quels sont les 3 musées/lieux culturels d’art visuel les plus innovants en France ? Et dans le monde ?

En termes de centres d’art numérique, on peut forcement citer l’Atelier des Lumières à Paris. Il y a aussi TeamLab à Tokyo, Superblo à Miami, et Frameless à Londres, qui propose actuellement une exposition immersive sur David Hockney.

Dans le domaine de l’art électronique/numérique, le festival Ars Electronica à Linz, en Autriche, est le plus grand du genre dans le monde.

Cependant, il est important de noter que la France pourrait être en retard dans ce domaine par rapport à d’autres pays.

Camille Gadaud

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