Game Awards 2021 : entre intention et impact

The Game Awards 2021 : les « Césars » du marché du jeu vidéo

C’est l’événement majeur et l’un des plus attendus du mois de décembre ! C’était il y a plus de 2 semaines, le 9 décembre 2021 au Microsoft Theater qu’a eu lieu l’édition 2021 des Game Awards.

Les Game Awards sont l’équivalent des Oscars ou des Césars sauf qu’ici on vient récompenser les « meilleurs jeux » de l’année dans différentes catégories comme le meilleur jeu d’action, meilleur simulation de sport, etc.

C’est depuis 2014, LE rendez-vous pour tous les fans et développeurs de jeux vidéos qui viennent par milliers pour découvrir à qui la récompense du GOTY (game of the year) sera décernée. 

Alors qui ont été les grands « gagnants » de cette année ?

Au bout de la soirée, c’est le jeu de coopération d’Electronic Arts, It Takes Two développé par le studio Hazelight qui a remporté le titre tant convoité du « jeu de l’année » en plus d’avoir été récompensé dans les catégories meilleur jeu multijoueur et meilleur jeu familial.

De l’autre côté, c’est Kena Bridges of Spirit, petit jeu indépendant exclusif à Playstation qui rafle la mise en remportant le titre de meilleur jeu indépendant et meilleure première réalisation.

On notera aussi la nomination de Deathloop dans la catégorie « jeu de l’année » qui aura fini par récupéré les récompenses de meilleure direction artistique et meilleure réalisation. Cocorico ! une belle performance que l’on salue pour Arkane Studio les papas lyonnais du jeu d’action/aventure.

Un avenir prometteur pour le jeu vidéo en 2022

Les Game Awards sont aussi une excellente opportunité pour les studios de dévoiler quelques extraits et teasers de leurs projets en cours pour les années à venir. 

Et on a eu le droit à notre lot de surprise en commençant par une démo du futur jeu Matrix appelé Matrix Awakens qui était déjà attendu. Ce dernier montre les premières prouesses du nouveau moteur graphique Unreal Engine 5 et semble être porté vers les consoles next-gen (PS5 et Xbox Series). Il s’apparente à un mélange efficace entre jeu d’action et une narration qui viendra porter son scénario.

D’un autre côté, on a aussi eu le droit à quelques annonces inattendues. Les plus grands fanatiques de la licence de Georges Lucas ont été ravis d’apprendre qu’un nouveau jeu Star Wars nommé Eclypse est en cours de développement par le studio français Quantic Dream spécialisé dans les expériences narratives  comme les excellents Beyond two Souls ou encore Heavy Rain. Pas plus d’informations si ce n’est un trailer laissant planer le mystère.

Mais, nous ne sommes pas au bout de nos surprises ! Venant « surfer » sur la vague des Breath of the Wild-like, on a eu la chance d’avoir un premier aperçu de ce que serait le futur du hérisson bleu sur nos consoles et PC. Un jeu en monde ouvert favorisant alors l’exploration et la progression par soi-même sobrement intitulé Sonic Frontiers.

On soulignera également le trailer du très attendu Alan Wake 2, jeu de type survival-horror développé par Remedy Entertainment qui ne saura ravir plus les fans de la série. Dans le même style, on en attend beaucoup du second opus de Dying Light dont le challenge sera de valider le succés de son prédécesseur. 

S’il y a bien une chose à retenir de cette année sur le marché du jeu vidéo c’est qu’elle n’a pas été très excitante. D’une part parce que les grosses licences n’ont pas été au rendez-vous à l’image du décevant CyberPunk 2077 qui après tant d’attente était un jeu tellement bugué qu’il a été retiré de certaines plateformes. Les développeurs du jeu se sont fait harceler sur les réseaux sociaux en recevant des menaces graves contre eux ou même leur famille. 
Et c’est là un point à souligner qui vient ouvrir le chapitre le plus important mais malheureusement trop court de cet article…

Quel est le réel rôle des Game Awards dans l’industrie ?

S’il y a bien une question que l’on peut légitimement se poser concernant les Game Awards c’est bien : où se trouvent les développeurs ?

Eh bien, je vais vous répondre : ils ne se trouvent nul part ! Durant la cérémonie, on ne récompense pas ceux qui ont contribué à créer le jeu mais les entreprises qui « profitent » de ces studios. 

Si j’ai pris l’intiative de citer CyberPunk2077 comme exemple ce n’est pas anodin. CyberPunk a été développé par le studio polonais CDProjekt Red qui est un studio se voulant proche des joueurs en bannant toutes microtransactions et proposant des contenus additionnels exhaustifs à des prix abordables. Un positionnement honorable par rapport à ses concurrents.

Là où ils ont échoué c’est le fait d’avoir sorti le jeu trop tôt à poussé par les investisseurs externes au projet mettant alors une pression monstre sur les développeurs du jeu obligés de le sortir dans la précipitation en fin décembre 2020.

Qui a été nommé à cette édition dans la catégorie meilleure musique et meilleur jeu de rôle ? Vous l’avez deviné : Cyberpunk 2077 !

Un jeu sorti en 2020, dont les personnes qui ont travaillé sur le projet ont été menacé après des heures de travail dans des conditions très limite a été nominé dans 2 catégories de l’édition de 2021 !

Ce n’est pas le seul cas du genre mais celui-ci montre la « perversion » de cette cérémonie. 

We’re thrilled to share that #TheGameAwards delivered a record 85 million livestreams in 2021.

Plus:
– Record number of Tweets about the show (1.6M)
– Record number of viewer votes (23.2M)
– Highest Watch Time to date on YouTube (1.75M hours) pic.twitter.com/MA2UsjYFM3

— Geoff Keighley (@geoffkeighley) December 20, 2021

Alors, Geoff Keighley, présentateur de la cérémonie a bien raison de se vanter des statistiques phénoménales que lui et ses équipes réalisent chaque année avec des chiffres battant des records.

Malheureusement, c’est bien ici l’un des seuls objectifs de cette cérémonie. Tout est construit pour générer le plus d’argent possible c’est pourquoi les jeux de fin 2020 sont nominés en 2021 car ceux-ci ne peuvent se trouver dans l’édition précédente à cause de la clôture des votes et la cérémonie arrivant trop tôt. La cérémonie se tenant début décembre est propice à promouvoir des jeux pour les périodes de fêtes et donc un excellent moyen pour les entreprises d’y apparaître.

Vous allez me dire qu’il y a un système de vote. Effectivement, il y a un bien un vote pour chaque catégorie. Néanmoins, si on met de côté le fait que les Game Awards n’ont aucune réelle accréditation à délivrer des récompenses, on relévera également le manque de transparence concernant le vote.

Grossièrement, 103 médias spécialisés et des « influenceurs » se réunissent pour voter dans chaque catégorie. Ces derniers représentent 90% du score total et les 10% restants sont les votes du public. 
Le problème étant que les jeux sont amenés par ces médias spécialisés dans chaque catégorie et le vote se déroule en un seul tour donc si 20 votants sur 100 votent pour un jeu il sera dans une catégorie même si les 80 autres votants ne l’ont pas apprécié.

De plus, comme le souligne très bien le youtubeur Captain Astronaut dans son excellente vidéoil y a un problème entre l’impact et l’intention dans l’organisation de cette cérémonie.

L’intention est claire :on veut célébrer l’industrie du jeu vidéo, la mettre au goût du jour et changer l’image péjorative qu’elle traîne depuis trop longtemps. On a le droit au « Gaming Citizen Segment » chaque année qui présente en quoi le gaming peut avoir un impact positif dans le monde entier. 

De l’autre côté, l’impact est trop pesant sur l’émission, c’est limite indigeste. On a l’impression que le retour sur investissement est le maître mot de la cérémonie. 
Dans une soirée ou l’on est censé récompensé les meilleurs jeux de l’année, 70% de la cérémonie se compose d’annonces de nouveaux jeux, de nouveaux contenus payants, des stars et influenceurs qui ont souvent rien à voir avec le jeu vidéo viennent remettre des prix. On va même jusqu’à passer rapidement sur certains prix sans remettre de trophée pour les catégories qui « intéressent » le moins comme le meilleur jeu de combat par exemple et privilégier d’autres prix comme le meilleur influenceur jeu vidéo car ces derniers apportent des vues et viewers permettant de vendre l’émission auprès des régies publicitaires et marques externes. C’est comme si que durant la cérémonie des Césars, il y aurait un prix pour la meilleur critique de film, ça ne fait pas grand sens.

Tout est organisé pour garder l’attention des personnes qui regardent l’émission et en attirer un maximum en faisant miroiter des récompenses à gagner ou en révélant des trailers de nouveaux jeux de certaines compagnies comme Quantic Dream avec Star Wars Eclypse. Quantic Dream qui on le rappelle est visé par une enquête grave sur le harcèlement au sein de leur espace de travail à travers des « pratiques toxiques » sur leurs employés. 

La seule remarque faite durant la cérémonie concernant ce genre de problématique ne dure que quelques secondes dans toute la soirée. Il y a un sérieux problème de normalisation des pratiques controversés dans l’industrie du jeu vidéo durant la cérémonie à l’image de la promotion de jeu comme Genshin Impact qui sont des pay-to-wins donc des jeux où il faut dépenser de l’argent pour avancer et qui peuvent entrainer des effets d’addiction graves chez certaines personnes.

Les games Awards bien que partant d’une bonne intention viennent questionner un problème de fond que tout bon marketeux, communicant, organisateur d’événement ne devrait pas négliger lors de la mise en place d’une campagne. 
Certes, il est souvent bon d’avoir une vision ROIste de nos actions, il faut mesurer ces dernières et savoir ce qu’elles peuvent nous rapporter. Mais, il ne faut pas perdre de vue un objectif plus global qui dépasse le cadre d’une organisation et d’un événement qui est celui de faire de demain un monde meilleur. Cette question je vous la pose directement : quelle est aujourd’hui la place de l’éthique dans l’industrie et le business ?