Fiche de lecture : le bug humain

Le bug humain ou comprendre les raisons de notre inaction face aux problèmes environnementaux…

L’essai de Sébastien Bohler, paru en 2019, se lit comme un roman… un roman noir où le drame est l’état dans lequel notre planète va terminer si nous ne changeons pas de comportement. Quelles raisons ont poussé Sébastien Bohler à écrire cet essai ? Il revient sur l’anecdote qui l’a conduit à mener ses différentes recherches pour tenter d’expliquer le drame qui se joue. Ainsi un jour il entend, dans les media, parler de l’alarme lancée par les scientifiques sur l’état de la planète. Puis le lendemain, ces mêmes médias se félicitent d’un nouveau contrat gagné par Airbus… Ce paradoxe où l’être humain est capable de concevoir les technologies les plus brillantes tout en restant bras ballant devant les problèmes environnementaux.

Qu’est-ce qui peut justifier ce « bug » de notre société ?
La définition d’un bug est un défaut de conception d’un programme informatique à l’origine d’un dysfonctionnement. Le bug humain serait donc un dysfonctionnement… Sébastien Bohler, neuroscientifique, nous plonge dans une introspection physique et historique pour nous éclairer sur ce bug.

Mieux se connaître pour mieux comprendre : nos cinq motivations

Ainsi malgré nos connaissances, l’être humain semble incapable d’agir en cohérence avec ce qu’il sait. En remontant le temps à la naissance des hommes, Sébastien Bohler met en évidence nos envies internes ancestrales, celles qui nous ont permis de survivre, de nous développer.

Nous découvrons dans la 1ère partie du livre, les cinq motivations de notre cerveau. Pour être plus précis, le neuroscientifique nous fait découvrir le striatum, petit organe présent dans notre boite crânienne depuis plus d’un milliard et demi d’années. Il nous explique comment notre striatum nous dirige. Ce dernier libère de la dopamine, substance qui nous procure le sentiment de plaisir et qui permet de renforcer un comportement identifié comme un succès.
Fort de cet éclairage scientifique, Sébastien Bohler revient sur nos renforceurs primaires. Nous sommes poussés à toujours reproduire ces comportements, identifiés « à succès » par notre cerveau. Nos motivations profondes tournent donc autour de la nourriture, du sexe, de la position sociale, du besoin d’information, le tout sans effort !

Pourquoi l’obésité se développe dans nos sociétés ? Le développement de la pornographie ? Etre en possession des dernières informations ?

Autant de besoins à satisfaire, pour répondre à nos motivations ancestrales. Comportement qui, par le passé, a permis la survie de notre espèce, mais qui aujourd’hui devient destructeur. En effet Sébastien Bohler reprend le fil de notre évolution pour chacun de ses besoins. On comprend à quel point nous avons accès à trop, trop de nourriture, trop de sexe, trop d’information…
Il conclue la première partie de son essai en constatant que les humains sont aujourd’hui face à bien plus de réponses que de besoin. Nous ne savons pas nous arrêter car c’est toujours notre striatum qui nous commande. Il souligne, au travers de différentes études scientifiques, que nous sommes « programmés pour en vouloir toujours plus », même si nous constatons tous les jours les impacts sur nos vies et les problèmes environnementaux générés.

Sobriété, conditionnement ou conscience

Dans la dernière partie, Sébastien Bohler envisage différentes pistes pour nous sortir de ce bug. Pourrait-on nous satisfaire de plus de sobriété ? Ce pari n’est pas gagné, notre envie de confort étant plus forte que notre liberté, selon lui.
Et si dès notre plus jeune âge, on nous inculquait de nouvelles valeurs ? il prend l’exemple de Mère Térésa qui n’a apriori pas laissé son striatum la diriger. Cette théorie reste fragile car il faut imaginer une échelle de temps très longue pour « reconditionner » notre striatum.

Il interroge le lecteur sur les solutions pour créer du plaisir en stimulant moins le striatum.

Dans cette conclusion il aborde comment après avoir développé notre intelligence, il est temps de développer notre conscience dans nos actes quotidiens. Il fait référence aux méthodologies de pleine conscience. Il cite l’expérience du « grain de raisin » qui doit nous amener à privilégier la qualité à la quantité.

Il complète en indiquant que cela devrait être lié à un développement des échanges de connaissances plus vastes, allié à la norme sociale. Il faudra que nos sociétés valorisent davantage les comportements responsables. Ainsi ils deviendront la nouvelle norme que l’humain voudra atteindre car elle sera attractive et valorisante.

J’ai dévoré ce roman, qui m’a permis de découvrir une nouvelle vision de la situation dans laquelle nous errons. Il m’a apporté un éclairage scientifique, biologique sur notre inaction face aux problèmes environnementaux et in fine à la destruction de notre planète.

Comprendre que mon cerveau, avec le sentiment de plaisir éprouvé, n’est là que pour satisfaire des besoins ancestraux, pourtant déjà largement comblés dans nos sociétés développées.

Sans une reprise de contrôle de nos vies et de notre avenir en pleine conscience, l’humain continuera d’avancer vers sa perte. Les nouvelles générations devront changer, s’émanciper de nos éducations trop centrées sur nos besoins matériels et de reconnaissance, pour s’élever et finir par renoncer à la quantité et choisir la qualité. Pourront-ils y parvenir avec une société bâtie sur le choix de la croissance, donc sur le « toujours plus, tout de suite » ?