Le web d’aujourd’hui est bien différent de ses débuts. D’abord pensé comme décentralisé, le web voit maintenant la grande majorité de ses données se concentrer au sein des serveurs de grande multinationales. Néanmoins, l’apparition et le développement des technologies blockchain peuvent totalement changer la donne. Et s’il était temps pour internet de renouer avec ses origines grâce à une (nouvelle) décentralisation du web ?
Le web d’aujourd’hui renie son passé
Lors de sa création, internet a d’abord été pensé comme un réseau de télécommunication entièrement décentralisé. Grâce à l’interopérabilité prévu par son protocole, des systèmes fonctionnants différemment peuvent tout de même s’échanger les informations. Le réseau ne se repose donc pas sur un ordinateur central.
Aujourd’hui, sa manière d’être utilisée est totalement différente. Le réseau est devenu centralisé.
Un web centralisé par les GAFAM ?
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SimilarWeb a publié en octobre 2019 le classement des sites web les plus visités dans le monde. Les résultats parlent d’eux-mêmes : le moteur de recherche Google (groupe Alphabet) est le site internet le plus visité avec 79,62 milliards de visites en 1 mois, suivi par le site de partage de vidéos YouTube (groupe Alphabet également) avec 28,85 milliards et le réseau social Facebook avec 24,60 milliards. La 4e place revient à Baidu, moteur de recherche chinois et principal concurrent de Google, avec 6,83 milliards de visiteurs sur le mois.
Si nous parlons de e-commerce, le géant américain Amazon possède à lui seul 43% du marché mondial avec un chiffre d’affaire annuel estimé à 356 milliards de dollars.
L’ensemble de ces sites appartiennent soit aux GAFAM, soit aux BATX. Ces entreprises ont su se rendre indispensable aux yeux du monde en rendant facilement accessible leurs services. Nous sommes donc actuellement dans une ère où la majorité du temps d’attention des internautes est centralisée vers les sites appartenant à une minorité d’entités.
La centralisation et ses dérives
Si cette centralisation a permis une grande efficacité et simplicité d’utilisation de services auprès des utilisateurs, de nombreux problèmes sont à souligner :
Données centralisées vulnérables en cas d’hacking
Données personnelles monétisées et non contrôlées
Protection de la vie privée limitée
Toutefois, cette situation n’est pas définitive. Une technologie récente a pointé depuis quelques années le bout de son nez et pourrait bien bouleverser le fonctionnement d’internet comme on le connait aujourd’hui.
La blockchain, solution à la décentralisation du web ?
La blockchain, qu’est-ce que c’est ? Selon la définition de Blockchain France, il s’agit d’une technologie de stockage et de transmission d’informations, sécurisée, transparente et fonctionnant de manière autonome, c’est-à-dire sans aucun organe de contrôle.
Comment tout cela fonctionne-t-il ? La blockchain fonctionne grâce à des mineurs, qui sont les propriétaires d’une puissance de calcul permettant de vérifier la provenance et la validité de l’échange d’informations.
Dans quelle cas la blockchain a-t-elle été utilisée ? Il s’agit la technologie qui a notamment permis ces dernières années la création des cryptomonnaies, la première étant la plus connue : le Bitcoin.
Mais en quoi cette technologie va-t-elle révolutionner notre manière d’utiliser internet ? Elle va permettre un retour vers un web décentralisé.
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La base de la décentralisation du web
Basée sur les technologies blockchain, la décentralisation du web va permettre de rabattre toutes les cartes, aujourd’hui concentrées dans les mains des GAFAM et autres grands acteurs.
Pour arriver à ce résultat, un web décentralisé se repose sur plusieurs caractéristiques :
Des applications décentralisées
Une réappropriation des données par les internautes
Le transfert de valeurs en pair à pair sans duplication
Les cryptoactifs, coeur de la décentralisation du web
Ces caractéristiques se reposent elles aussi sur un élément clé : les cryptoactifs. Par définition, il s’agit de l’ensemble des actifs émis et échangeables grâce aux technologies blockchain, comme les cryptomonnaies donc, mais aussi les tokens. Le token est un actif numérique donnant à l’internaute le droit d’utiliser le futur service de l’entreprise.
Ce sont ces cryptoactifs qui vont permettre le développement et l’utilisation des applications décentralisées. Ils vont rendre possible l’émergence de nouvelles stratégies, de nouveaux business model ainsi qu’un meilleur partage de la valeur distribuée. En effet, grâce aux tokens, la valeur est partagée au sein d’une organisation décentralisée. Toute personne étant payée en token ou utilisant le service de l’entreprise devient un investisseur. Plus il y a d’utilisateurs, plus la valeur du token augmente. Il s’agit de la token économie.
Par exemple, le token est le centre du fonctionnement d’une Initial Coin Offering (ICO). Il s’agit d’une méthode de levée de fonds fonctionnant grâce à l’échange de tokens contre des cryptomonnaies. Les tokens sont émis par l’organisation de l’ICO et peuvent être acquis par n’importe qui ! Prenons comme cas un français lançant une ICO afin de financer sa start-up. Au lieu de chercher des fonds auprès des principaux financeurs centralisant les capitaux de la région, il peut s’appuyer sur le financement de n’importe quel individu de la planète.
Des applications décentralisées déjà en place
Des applications décentralisées existent déjà sur le marché. Filecoin en est un bel exemple. Il s’agit d’un Dropbox décentralisé, utilisant un token nommé File. Les utilisateurs possédant un espace de stockage peuvent proposer à d’autres internautes de garder leurs données. En échange de ce service, les utilisateurs de Files rémunèrent les prêteurs de stockage. Soit ils réinvestissent ces tokens dans le système, soit ils les échangent en Bitcoin, dollar ou autre monnaie existante. Grâce à la blockchain, il est impossible au possesseur du stockage de regarder le contenu à l’intérieur de son espace de stockage, l’ensemble est crypté. Les utilisateurs ne centrent ainsi plus leurs données dans des cloud possédés par Apple, Google, Amazon et Microsoft mais dans tout un réseau décentralisé.
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Avec l’apparition d’internet, l’information a été décentralisée puisque chacun peut publier et échanger des informations au monde entier. Associée à la blockchain et aux tokens, la valeur va pouvoir elle aussi être décentralisée. Chacun va être en capacité de créer et échanger de la valeur auprès de n’importe qui, sans intervention de tiers.
Si les technologies sont au point, qu’attendons-nous ? Il existe aujourd’hui une barrière principale qui freine encore le développement de ce genre d’application auprès du grand public.
L’expérience utilisateur, le principal frein de la décentralisation du web
Nous sommes aujourd’hui au début des technologies blockchain. Leur utilisation est aujourd’hui compliquée pour le grand public car elle n’est pas encore centrée sur l’expérience utilisateur. Mais il s’agit d’une barrière temporaire ! Il faudra du temps pour que ces technologies soient matures, mais elles y arriveront. Souvenez-vous d’internet à ses débuts, utilisé uniquement par les technophiles. Regardez les résultats que nous avons aujourd’hui !
Cette expérience utilisateur viendra peut-être de grandes entreprises qui manifesteront un intérêt pour cette vision de l’internet.
Twitter, futur réseau social décentralisé ?
Le 13 décembre 2019, Jack Dorsey, PDG de Twitter, a annoncé sur son compte que le réseau social va financer une équipe qui travaillera sur un standard ouvert et décentralisé. Le but de ce standard est de s’attaquer aux désinformations ainsi qu’aux bulles de filtre. Avec un nombre d’utilisateurs grandissant, faire appel à un nombre toujours plus important de modérateurs n’est pas viable sur le long terme.
Twitter is funding a small independent team of up to five open source architects, engineers, and designers to develop an open and decentralized standard for social media. The goal is for Twitter to ultimately be a client of this standard. ????
— jack ???????????? (@jack) December 11, 2019
Sa volonté est de redonner le pouvoir à ses utilisateurs dans le but de mieux choisir leur contenu en cessant d’utiliser les algorithmes de recommandations prioritaires, considérés comme opaques.
Qu’est-ce que cela signifie sur le long terme ? Twitter a pour objectif de créer différents services de médias sociaux interopérables, à l’aide d’un cadre standardisé. Reste à voir quel business model va pouvoir s’appliquer à ce changement radical de fonctionnement.
Si son utilisation semble encore bien trop complexe pour le grand public, les technologies blockchain possèdent des avantages non-négligeables pour permettre le développement d’un web décentralisé : sécurité, transparence, autonomie. Nous ne sommes qu’aux prémices de cette possible révolution mais des applications concrètes ont déjà vu le jour. De nombreux acteurs, petits comme gros, continuent de travailler pour poser leur pierre à cet édifice naissant. Les principales entités faisant tourner le web semblent aujourd’hui bien installées, elles pourraient bien se voir demain destituées.
Comprendre le web décentralisé sur Blockchain France
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Internet entre dans l’âge du web décentralisé par Clément Jeanneau sur La Tribune
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