Anti Bullshit : post-vérité, nudge, storytelling : quand les mots n’ont plus de sens (et comment y remédier)

L’auteure : Elodie Mielczareck

Élodie Mielczareck est sémiologue. La sémiologie est l’étude des signes et de leur signification. Cette méthode scientifique inspirée de la linguistique a de nombreux champs d’application dont les sciences de la communication. Après un double cursus universitaire en lettres et linguistique, Elodie s’est spécialisée dans le langage et le body langage. Conférencière et formatrice, elle est régulièrement sollicitée par les médias pour décrypter les mots et le langage non verbal de personnalités. Certains extraits de ses interventions sont disponibles sur sa chaine YouTube que je vous invite à consulter.

Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages :

  • Déjouez les manipulateurs : L’art du mensonge au quotidien (2016)
  • La Stratégie du caméléon : s’adapter à tous les profils grâce à la communication non verbale (2019)
  • Et Anti Bullshit : Post-Vérité, nudges, storytelling : quand les mots n’ont plus de sens, et comment y remédier (2021)

C’est dans le cadre de mes recherches bibliographiques sur ma thèse sur les réseaux sociaux et la désinformation que j’ai pris connaissance d’Anti Bullshit : une mine d’or !

L’auteure nous propose d’aborder le Bullshit en le présentant sous 6 angles différents. Un septième chapitre particulièrement inspirant « réenchantez le monde » vient clore le livre.

Contexte de l’ouvrage

La parution de ce livre en 2021 vient s’inscrire dans un contexte pluriel.

Tout d’abord, celui de la pandémie de Covid-19, qui avec les nouveaux moyens de communication à distance est venue créer une rupture dans les usages. Avant, les réunions et échanges physiques en face à face permettaient aux différents acteurs de pouvoir profiter, au-delà du simple langage verbal, de toute la panoplie de langage non verbal, les expressions faciales, la position du corps, et bien d’autres… Les nouveaux outils numériques nous privent de beaucoup de ces codes, qui nous permettent d’interpréter différents signaux et d’avoir un ressenti au plus juste.

Second pan du contexte, ce qu’appelle l’auteure, l’ère de la « post-vérité » qu’elle définit comme « des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles ».

Anti Bullshit

J’ai absolument tout aimé de ce livre, de sa couverture avec son vernis sélectif, au papier tout doux, aux typographies utilisées, aux touches d’humour et de second degré dispersés ici et là, et surtout, et bien évidemment son contenu. Pour l’amoureuse des mots que je suis, et là, mon Bac Littéraire ressurgis (pardon pour le cliché) la lecture de ce livre a été un réel plaisir : on vient véritablement redonner du sens et toute leur puissance aux mots, et inviter le lecteur à savoir lire entre les lignes.

Réellement bien construit, ce livre s’appuie sur des études de cas concrets utilisés pour illustrer les propos, mais aussi de nombreux schémas qui viennent compléter les arguments. A la fin de chaque séquence, un résumé vient le clore et mettre en lumière les points saillants à retenir, des « boîtes à outils ». Chaque source est précisément citée, de quoi pouvoir poursuivre les recherches ou approfondir certains sujets.  

Sur les 7 chapitres que contient l’ouvrage, 4 ont particulièrement retenu mon attention dans le cadre de ma thèse (même si oui, je l’ai déjà dit, j’ai tout aimé de ce livre 😊) :

  • Le story telling : l’art de (se) raconter des histoires
  • La post vérité : au commencement était Donald Trump
  • Le nudge : biais cognitifs et « coups de pouce » comportementaux
  • Le digital : les codes de la communication du 3e millénaire

Anti BullShit est là pour aider ses lecteurs à se constituer une immunité intellectuelle, en comprenant notamment par quels biais cognitifs et comportementaux notre cerveau peut se laisser manipuler au travers des mots. Circuit de la récompense (Cf. Le bug humain de Sebastien Bohler, dont je vous invite à lire la fiche de lecture d’Audrey Brière), dopamine, satisfaction immédiate dans le monde de l’instantanéité : notre cerveau est en surchauffe et c’est là qu’apparait la notion d’économie de l’attention. Quels moyens sont utilisés pour capter notre attention ? Comment les détecter et les contrer ?

Vous le comprendrez en lisant ce livre, nos prises de décisions ne sont pas rationnelles mais émotionnelles : il s’agit donc d’emprunter une autre voie ou un autre langage. Il en va de même lorsqu’on s’informe et qu’on partage des informations sur les réseaux sociaux. Avons-nous pesé le sens des mots utilisés ? Sommes-nous touchés par des faits objectifs ou par un appel à l’émotion lorsque nous partageons ou commentons un article ? Avons-nous pris le recul critique nécessaire avant d’affirmer qu’un point de vue était vrai ? C’est en ce sens que ce livre est venu nourrir ma réflexion.

Anti Bullshit est un appel au « réenchantement » du monde, là où fond et forme se servent l’un l’autre, et pas au détriment de l’un ou l’autre.

 

« Flatter les yeux est le domaine du marketing, flatter l’esprit est le domaine de la signification. Flatter les yeux et l’esprit relève de l’enchantement du monde. » Elodie Mielczareck.