
S’il y a bien un secteur du 7ème art qui a considérablement évolué en l’espace d’un siècle, c’est celui de l’animation. L’ajout du son, de la couleur, de la profondeur ont été autant de progrès techniques qui ont permis de raconter des histoires plus ambitieuses ouvrant le champ des possibles pour transporter les spectateurs dans des univers totalement inédits. Alors que l’animation traditionnelle est à son apogée dans les années 90, une autre révolution va bouleverser l’industrie à jamais : les progrès de l’animation assistée par ordinateur.
Petite histoire de l’animation CGI
Nombreux sont ceux qui ont été marqués par le film avant-gardiste Tron à sa sortie en 1982 et qui plongeait les spectateurs au cœur même d’un ordinateur. Parmi eux se trouvait John Lasseter, un animateur qui 4 ans plus tard fondera la société Pixar aux côtés de Steve Jobs et Ed Catmull. Afin de démontrer le potentiel de ce nouveau medium, la compagnie produit plusieurs court-métrages dont le célèbre Luxo Jr. devenu emblème du studio depuis. Alors que la concurrence utilise l’outil avec parcimonie comme Le Roi Lion et la scène des gnous, Pixar prend véritablement son envol avec la sortie du tout premier long-métrage entièrement animé par ordinateur en 1995 : Toy Story.
L’animation par ordinateur (ou CGI pour Computer-Generated Imagery) est devenue la norme et s’est imposée en l’espace d’une décennie comme le nouvel Eldorado du succès dans les salles redessinant par la même le marché. De nouveaux concurrents ont émergé avec DreamWorks (Shrek, Dragons), Blue Sky Studios (L’Age de Glace, Rio), Illumination Entertainmment (Moi, Moche et Méchant, Le Grinch)… Autant d’histoires et de films qui ont nécessité d’innovations techniques : Avec la sortie de Toy Story 4 l’an dernier, il est facile de comparer et d’observer à quel point en 25 ans les outils sont devenus plus sophistiqués.

Retour aux sources
Certains d’ailleurs reprochent que l’animation s’est uniformisée depuis l’avènement de l’ordinateur (tout du moins la production américaine) et que la touche de l’artiste s’est perdue en chemin… Ils n’ont pas forcément tort et certains réalisateurs n’hésitent pas à sortir des sentiers battus pour offrir des visuels plus léchés. Jusqu’alors, ce genre de risque était avant tout entrepris dans le cadre de court-métrages aux risques financiers moindres. Par exemple, le short Disney Paperman qui relate la rencontre de 2 inconnus que l’amour va décider de réunir ose un style inédit en mélangeant la 3D et le dessin traditionnel grâce à la technologie Meander. Cet outil novateur permet aux lignes du dessin traditionnel de s’insérer à une couche CGI donnant ainsi à l’artiste la possibilité de manipuler les lignes tracées. Encensé par la critique et oscarisé en 2013, la technique n’a toujours pas été exploitée au format long par la firme aux grandes oreilles…

Mais plus récemment, un géant du streaming a osé parier sur ce retour aux fondamentaux. Avec Klaus, Netflix et le réalisateur Sergio Pablos ont entrepris de retrouver le charme de l’ancien grâce aux nouvelles technologies. Le film raconte l’histoire d’une alliance improbable entre un jeune facteur et un fabricant de jouets reclus qui vont ensemble changer la vie des habitants d’une petite bourgade du nom de Smeerensburg. Pour narrer cette origin story du Père Noël, un gros effort a été apporté sur les éclairages et les sources de lumières afin d’apporter du volume aux personnages avec l’outil KLAS (Klaus Light and Shadow) développé en interne par le studio Les Films de Poisson Rouge. Combiné à l’outil MOE qui donne la texture aux éléments, on obtient un rendu stylisé de toute beauté. Le film a été largement plébiscité cet hiver et concourt à l’Oscar du Meilleur Film d’Animation 2020.

L’hyper réalisme : le cinéma 2.0
La frontière entre le digital et la réalité s’amincit de jour en jour que cela soit dans notre quotidien ou bien sur nos écrans. Comme le prouve le récent remake du Roi Lion. C’est la société de VFX MPC qui est derrière la prouesse visuelle du blockbuster événement de l’été dernier. Aux côtés du réalisateur Jon Favreau, le studio a développé des outils de pointe basés sur les technologies de réalité virtuelle. A mi-chemin entre le tournage live et l’animation, les équipes munies de leurs casques de réalité virtuelle se baladent sur le plateau et peuvent y régler des mouvements de caméras extrêmement précis ou alors revoir les éclairages comme il serait possible en conditions réelles. Sauf qu’ici les cinéastes sont immergés en pleine savane africaine malgré les milliers de kilomètres qui les séparent du Kenya. Pour le reste, tout est 100% réalisé en images de synthèse avec un rendu hyper réaliste et le doublage des acteurs est ajouté aux images comme n’importe quel film d’animation. Si le résultat est éblouissant, la technique peine encore à restituer pleinement les émotions en comparaison de son aîné de 1994.

La Stop Motion suit le mouvement
Le milieu de la stop motion a lui aussi profité à plein des derniers outils pour se sophistiquer. Bien que tout est fait pour construire au maximum les décors qui composent le plateau et dans lesquels les personnages s’animent image par image, certains plans nécessitent malgré tout l’intervention des équipes VFX du fait de leur complexité trop importante. Pour Monsieur Link, les studios Laika ont exploité le programme Terragen qui permet de générer des environnements de manière à ce qu’ils soient proches artistiquement parlant de ceux créés physiquement par la production.

Le monde de l’animation est un univers en perpétuel changement qui continue de repousser ses propres limites. Mais ces techniques novatrices restent avant tout un support et ne suffisent pas pour faire un bon film. Une fois développées, elles doivent s’effacer pour laisser l’histoire, les personnages et l’émotion prendre le pas et embarquer le spectateur le temps d’une séance. Et c’est une chose qui n’est pas près de changer…
Sources : Business Insider – L’évolution du graphisme de Toy Story
Art FX School – La technologie Meander
Art And Object – How Klaus brought artists touch back animation
Cartoon Brew – How They Did It: ‘Missing Link’ Production Designer Nelson Lowry On The Complexities Of Hybrid Production
AWN – Live-Action v Animation: The Debate Surrounding ‘The Lion King’
Cartoon Brew – How They Did It: ‘Missing Link’ Production Designer Nelson Lowry On The Complexities Of Hybrid Production